AGB : Quels sont les thèmes que vous avez tenté d'intégrer à la narration ? Comment avez-vous gardé les joueurs émotionnellement engagés dans l'histoire, tout en conservant les fusillades massives et les scènes bourrées d'action pour lesquelles Call of Duty est connu ?
DG :C'est vrai que Call of Duty est connu pour son action. Black Ops, en revanche, est connu pour ses rebondissements, ses coups de théâtre, et la paranoïa qu'elle instigue. Les joueurs s'attendent à ce genre de chose, ils savent que nous allons les surprendre à plusieurs reprises. L'histoire est imprévisible.
Encore une fois, je ne veux pas en dire trop, mais cette paranoïa effrayante est l'une des marques de fabrique de la franchise Black Ops, et nous voulions mettre les bouchées doubles pour cet opus. D'une certaine manière, Black Ops Cold War est un retour à la formule si populaire du premier jeu. De plus, le jeu fait référence à de nombreuses opérations contestables bien réelles. Je pense que certains joueurs vont s'amuser à fouiller les tréfonds d'internet après avoir fini le jeu pour la première fois, juste pour voir à quel point la Campagne est basée sur la réalité. Certains événements sont assez choquants.
L'antagoniste principal du jeu est une sorte d'agent secret légendaire appelé Perseus, qui aurait réellement existé au cours de cette période. Même à ce jour, personne ne sait qui était Perseus, s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, ou à quel point il aurait compromis les renseignements occidentaux. Pourtant, il semble que quelqu'un portant le nom de code Perseus ait bien existé. Pour moi, la simple idée que le croque-mitaine de notre jeu ait vraiment existé est tout bonnement fascinante.
AGB : Au début de cette interview, vous avez parlé de la différence entre écrire pour la télévision ou le cinéma, et écrire pour des jeux. En quoi les processus sont-ils différents ? Plus spécifiquement, quelle part du processus s'est faite en collaboration avec Raven et Treyarch ?
DG : L'écriture d'un jeu n'a rien à voir avec celle film ou d'une série, car ce sont des formats totalement linéaires et passifs. Bien sûr, ça n'empêche pas d'y trouver des narrations brillantes, mais par nature, le visionnage d'un film ou d'une série TV est passif. Le spectateur est complètement entre les mains du réalisateur ou du producteur.
Les jeux vidéo, quant à eux, sont par nature interactifs, et non pas passifs. Ils sont collaboratifs. Quand je joue à un jeu, je veux avoir le sentiment de contrôler l'action. Je veux avoir l'impression de ne pas être sur un rail, et que mes choix affectent le dénouement. L'une des choses que j'ai tenté de suggérer dès le premier jeu Black Ops était d'imposer des dilemmes au joueur. J'étais très enthousiaste lorsque j'ai découvert que Raven et Treyarch étaient partis sur cette idée, en particulier car la frontière entre moralité et immoralité est particulièrement ténue dans le monde de l'espionnage et du contre-renseignement.
Travailler dans le jeu vidéo doit par nature être plus collaboratif que pour le cinéma ou la télévision. Pour les films, c'est généralement le réalisateur qui a le dernier mot sur tous les aspects, et l'auteur-producteur pour la télévision, car il s'agit d'une expérience passive comparable à un roman. Treyarch et Raven ont été incroyablement coopératifs, et d'une certaine manière, j'ai moi-même été plus ouvert à la collaboration que pour mes films et séries. (rire)
Je suis encore relativement un débutant en matière de jeu vidéo, et Call of Duty: Black Ops demeure la seule franchise sur laquelle j'ai travaillé. On dirait que je plaisante, mais c'est la vérité : parfois, c'est amusant d'avoir beaucoup à apprendre, car on ne sait jamais sur quelle surprise on peut tomber. C'est grâce à ça que les choses restent inédites et intéressantes. Je proposais des idées folles à Treyarch et Raven en demandant “Est-ce que c'est possible ? Et ça ?”. Ça faisait partie de mon travail. Parfois, mes idées étaient trop folles et impossibles à réaliser, mais dans certains cas, on me répondait : “Hmm. Personne n'y avait jamais pensé. On peut essayer. Pourquoi pas ?”. C'était amusant, et j'ai énormément de respect pour le monde et l'univers qu'ils ont créés.